L’achat d’un voilier est le projet de toute une vie, la réalisation d’un rêve vieux de quelques « longues » années ou simplement le besoin ou l’envie de changer le bateau sur lequel on navigue déjà. Dans tous les cas, pour les questions qui subsistent ou pour renforcer une conviction, les conseils et informations qui suivent vont permettre de « border » le choix d’un voilier sans ambiguïté, embarras ou approximation !
Attention, cet article est rédigé à l’attention des navigateurs conscients de leur niveau d’expérience à bord d’un bateau à voile !
Il ne faut jamais surestimer ses capacités à être chef de bord. Les mers et les océans, symboles de gigantisme mais aussi synonymes d’inconnue sont très loin d’avoir livrés tous leurs secrets, et malgré l’avancée de la technologie (GPS marine) et les conditions de sécurité devenues strictes (à juste titre), la navigation demeure un risque majeur, même pour les navigateurs les plus aguerris.
BIEN CHOISIR SON VOILIER, DU BRIGANDAGE A LA DIVISION 240
Des voyages aux risques peu maîtrisés à la navigation sécurisée !
Ce sont des marins à bord de quelques voiliers qui sont partis à la découverte des contrées les plus éloignées, de l’autre côté de l’Atlantique. Par amour des bateaux et des océans ou par nécessité, ces marins s’embarquaient pour des traversées interminables, sans avoir l’assurance d’un éventuel retour. Les guerres entre nations sur les mers et les océans ainsi que les pirates et brigands de tous ordres, n’ont certainement pas facilité la découverte de nouveaux pays et la mise en œuvre par voies maritimes du commerce qui en découlait.
Malgré les conditions difficiles, les navires n’ont jamais cessé d’évoluer : vitesse accrue, gain (ou perte) de poids, découverte de routes maritimes plus adaptées, moins risquées et moins longues, conception plus détaillée de cartes marines, utilisation d’outils d’aide à la navigation (compas, sextant), etc.
Ces marins au long court ont ouvert la voie du commerce international sur l’eau et à notre époque, environ 80% des marchandises commerciales, en France et dans le monde, suivent encore le même mode de transport.
La relation de « l’homme à l’eau » a changé. Les pirates ont disparu et les habitations se sont construites au bord de l’eau, par plaisir plus que par obligations. Ainsi la navigation de plaisance est née, a grandi et prend chaque année un peu plus d’importance, jusqu’à devenir le premier acteur économique d’une région.
Les règles à connaître en tant que chef de bord d’un bateau de plaisance
Aujourd’hui en France, un bateau de plaisance dont le propriétaire est français ou réside en France, et qui navigue dans les eaux territoriales françaises, et même si son pavillon est étranger, est sensé suivre les règles identiques aux navires français établies dans la « Loi pour l’économie bleue n° 2016-816 du 20 juin 2016, de refondation de la politique maritime de la France ». Cette loi est dense et riche, et outre la navigation de plaisance, l’éventail de ses recommandations est très large : activités de pêche, d’aquaculture et portuaires, contributions sociales, fiscalité, etc.
Plus concise, il existe la division 240 et les articles 240-2.04 à 240-2.16 ainsi que l’annexe 240-A.01 qui sont uniquement destinés à l’usage des bateaux de plaisance dont la coque est inférieure à 24 mètres et dans le cadre unique d’un usage non professionnel. Modifiée en 2014 afin d’améliorer les conditions de sécurité à bord, les articles dédiés aux exigences techniques qui s’appliquent aux bateaux non « taggés CE » ont été supprimés et sont maintenant gérés dans la nouvelle division 245.
La division 240 fixe des objectifs précis en matière de sécurité à bord d’un bateau, laissant le choix au plaisancier des moyens à mettre en œuvre pour y accéder.
BIEN CHOISIR SON VOILIER, LES REGLES GENERALES
Trouver son équilibre entre passion et raison !
Le choix d’un voilier n’est pas anodin, c’est un acte majeur ! Alors, même si la passion est le déclencheur et tient une très grande place dans la concrétisation du projet, la raison ne doit pas se laisser oublier. Si la première est source d’engagement et de romantisme, la seconde est synonyme de précision et de convenance, deux conditions indispensables à la présence de réalisme.
Pour bien choisir un voilier, il faut établir le bon équilibre entre sentiments et matérialisme, et entre émotion et réflexion.
Les étapes obligatoires pour bien choisir son voilier
En location, l’erreur n’est pas pénalisante tant que toutes les consignes de sécurité sont respectées et que vos envies ne prennent pas le pas sur vos connaissances et votre expérience de marin. Avant de louer, faites le tour de vos compétences, tenez compte de votre programme de navigation et prenez conseil auprès du propriétaire qui connaît ses bateaux. Vous allez alors naviguer avec le voilier qui vous convient, afin que votre plaisir ne se transforme pas en « galère ».
L’achat d’un voilier, qu’il soit neuf mais encore plus s’il s’agit d’un voilier d’occasion, ne souffre d’aucune concession majeure. Certaines démarches sont obligatoires afin de déterminer les caractéristiques et le type de bateau qui répond à vos attentes : longueur, gréement, motorisation, habitabilité, équipement, etc.
Pour un achat ou une location d’un voilier neuf ou d’un bateau d’occasion, les occurrences suivantes sont impératives :
Ranger son bateau dans la catégorie « voile seule » ou la catégorie mixte « voile et moteur » et en appréhender l’anatomie et les obligations qui en découlent (entretien moteur, hivernage, mouillage au port, etc.).
Etablir son budget
Dans cette étape, il faut prévoir le coût d’achat du voilier et le coût de son entretien (carénage, moteur) et prendre en considération le renouvellement du matériel à bord, le mouillage au port, l’hivernage, le transport (achat d’une remorque), l’assurance, l’achat des équipements de sécurité dernières normes, l’expertise, etc.
Réaliser un programme de navigation
Avant de naviguer et que ce soit pour une croisière hauturière d’une année sur l’Atlantique, pour un tour du monde ou pour du cabotage en Méditerranée à moins de 6 miles nautiques de la côte, il est nécessaire de définir une destination précise et de savoir s’y rendre : préparer sa route en lisant une carte marine (hauteur des fonds, heures et coefficients des marées, emplacements des phares et des bouées), lister ses escales et ses zones de mouillage, suivre les prévisions météorologiques (échelle de Beaufort), identifier le nombre de couchettes nécessaires à bord et « étiqueter » ses équipiers, expérimentés ou non (famille, enfants, amis, navigateurs, etc.), identifier les abris potentiels et le chef de bord.
Affiner ses critères de choix
Voile sur enrouleur ou non, hauteur de l’habitacle, aménagements indispensables, type de coque (matériau), catégorie du moteur (s’il y en a un), présence d’appareils d’aide à la navigation, présence d’une annexe, etc.
L’expertise du voilier est-elle nécessaire avant l’achat ?
Oui pour un voilier d’occasion, à moins que le propriétaire ne présente un carnet d’entretien du voilier qui justifie d’un suivi « exemplaire » par des professionnels experts dans leur domaine : plan de sondage réalisé tous les 2 à 3 ans, factures d’entretien du moteur, contrôle de l’état de la voile, etc.
L’expert aura un avis tranché ; il a l’expérience suffisante et les outils nécessaires pour réaliser un diagnostic poussé et précis mais, si ce n’est pas votre premier achat ou que vous avez déjà effectué quelques miles nautiques, vous pouvez faire seuls les premiers contrôles. Selon le résultat de ces investigations, vous ferez ou non appel à un expert.
Pour vérifier la voile et le mât, il faut grimper en haut de ce dernier. La couleur et l’état des coutures des bandes UV sont révélateurs de l’état de la voile ; les goussets de lattes doivent être intacts et les barres de flèches exemptes de points de corrosion. Une fois en haut du mât, il est utile de s’assurer de l’état du capelage de l’étai ainsi que de l’étai lui-même, des haubans et des galhaubans, et éventuellement du pataras et des bastaques. Détendez les ridoirs et validez que le mât est bien droit.
Attention, un mât qui forme un S est « flambé », il doit être remplacé.
Au niveau de l’accastillage, certaines pièces comme les winches doivent être démontées afin de s’assurer de l’usure du mécanisme. Les autres pièces ne doivent pas montrer de jeu et doivent être solidement ancrées. L’inspection des fonds du bateau (sous les planchers) ne doit pas révéler de fissures, fêlures ou craquelures qui pourraient être le résultat d’un choc violent, de même qu’une porte qui ferme mal peut établir que la structure a été sollicitée.
La propreté de l’habitacle, la fonctionnalité des circuits électriques et des instruments de navigation électroniques, le parfait état de la quille et l’état des varangues, l’étanchéité des différents joints, l’intégrité du safran etc. chaque élément doit faire l’objet de toute votre attention. Sans oublier l’état de la coque qui ne doit montrer aucun impact, fissure, trou, etc.
Soyez intransigeants sur cette étape de contrôle qui reste cruciale !
Si vous êtes novices ou peu confiants sur votre propre analyse, l’intervention d’un expert professionnel semble la bonne façon de garantir l’absence de vices, cachés ou non. C’est l’acheteur (potentiel) qui mandate l’expert, fixe le but ainsi que le contenu de l’expertise et règle la facture correspondante.
Note, le choix d’un expert neutre sécurise les deux parties.
Les questions les plus courantes portent sur l’état de la coque du voilier, de son gréement (mât et voile) et de son moteur (pour l’option voile et moteur).
L’épaisseur d’une coque en acier est mesurée par des sondeurs électroniques à ultrasons (simple écho) : c’est le plan de sondage. Il identifie réellement les différences d’épaisseurs du métal, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle.
L’avis de l’expert sur le moteur du bateau intervient suite à la mesure individuelle de la compression des cylindres, de l’étude de l’huile du moteur et de l’état des pièces d’usure (rouet de la pompe à eau, etc).
La voile et le mât sont inspectés « de près ». L’expert grimpant au mât, il se fait une idée précise de l’état du gréement.
Au final, l’expert va passer en revue le moindre détail à bord du voilier : le gouvernail, le circuit d’eau (sous pression), les évacuations d’eau, les dispositifs de sécurité, les boiseries et les hublots (humidité et infiltrations), le pont, l’état du gelcoat, les vannes, les boulons de quille, les fonds, etc. L’état de propreté du bateau est un indicateur, si l’entretien a été fait régulièrement, le bateau est propre et il a de grandes chance d’être sain, et inversement.
Un rapport écrit est communiqué par l’expert et relate l’importance du type des défauts constatés : ceux qui doivent être réparés avant de prendre la mer, ceux qui sont à la charge du vendeur (suite à une collision, par exemple), ceux qui sont considérés comme peu dangereux pour la sécurité du bateau, etc.
Quel est le budget total : achat + entretien + frais annexes (port, assurance, etc.)
Il s’agit ici de l’achat d’un voilier d’occasion. Si l’achat est celui d’un voilier neuf, il est conforme à la commande de l’acheteur, et même si le prix du mouillage, de l’hivernage, de l’assurance sont identiques, les frais de réparation et même d’entretien (anode) sont logiquement réduits au moins sur les 10 premières années d’existence du voilier en fonction de son degré d’utilisation.
Pour un voilier d’occasion, connaître son budget fait partie des obligations afin de bien choisir son voilier. Outre le prix d’achat, il faut tenir compte des frais annexes, non négligeables :
taxe de francisation,
coût de l’entretien (hivernage, anti-fouling, peinture, anode, révision moteur et voiles, vérification gréement, réparation de la coque, etc.),
coût du mouillage (port, ponton particulier),
coût du transport (voilier léger et peu encombrant transportable sur une remorque),
montant de l’assurance (voilier et équipiers).
Attention, lors de la première visite du bateau, lister les équipements présents sur le bateau mais qui ne sont pas inclus dans son prix de vente : la télévision, l’annexe, le matériel de climatisation, etc. Il faut vous faire une idée précise de l’aménagement du bateau lors de la signature du contrat, si vous décidez de ne pas acheter ces équipements.
Dans ces frais, ne sont pas comptabilisés les éventuelles mises à jour ou remplacement des équipements de pointe : GPS, sondeur, pilote automatique, etc. ainsi que l’équipement de sécurité, y compris, l’achat d’une annexe.
BIEN CHOISIR SON VOILIER, TOUT SAVOIR SUR SON « ANATOMIE »
Bien choisir son voilier, l’anatomie du moteur
En cas de panne de vent et pour effectuer les manœuvres au port, le moteur prend le relais de la voile. Plusieurs catégories de propulsion peuvent être installées et bien choisir son voilier, c’est (aussi) savoir à quoi elles correspondent. Sur un voilier neuf, le choix du moteur a été fait par le constructeur mais ce dernier peut également offrir plusieurs choix à l’acquéreur.
Sur un voilier d’occasion, le moteur installé est vendu avec le bateau. Il faut donc avoir l’assurance qu’il fonctionne correctement et qu’il est en adéquation avec le programme de navigation afin d’éviter un changement de motorisation, opération compliquée et onéreuse.
La motorisation des voiliers est multiple, chaque catégorie de voiliers doit être équipé du moteur qui convient le mieux à sa catégorie : poids, longueur, gréement, etc.
Le confort à bord, une propulsion sans vibration : le « sail-drive »
Le moteur et l’hélice sont reliés par une embase ; un arbre intermédiaire est installé verticalement dans la coque puis un second arbre horizontal relie l’hélice. L’arbre de propulsion ne peut pas se relever, c’est avec le safran que l’on manœuvre le bateau. Les « amateurs de voile » sont sensibles au fait qu’une ou plusieurs hélices repliables peuvent compléter cette installation, limitant la traînée sensée ralentir le bateau.
Cette propulsion est confortable car elle ne produit pas de vibrations.
La propulsion traditionnelle sur un voilier : la ligne d’arbre
L’arbre de sortie part de l’arrière du moteur et relie directement l’hélice en traversant la coque du voilier. La ligne d’arbre n’a pas de contraintes qui limitent la puissance de l’hélice, il suffit d’adapter le diamètre de l’arbre afin qu’il réponde à la puissance recherchée.
Les voiliers équipés ainsi et qui s’engagent pour une longue croisière bénéficient d’un système facile à entretenir et à réparer en cas d’avarie.
La propulsion pour poids plume : le moteur hors-bord
La propulsion par un moteur hors-bord laisse plus de place pour l’habitacle du voilier et évite le phénomène de traînée (moteur relevé). De plus, la maintenance et l’entretien sont simplifiés car un bloc unique contient le moteur hors-bord, la transmission (embase) ainsi que l’hélice de propulsion. La puissance minimum d’un moteur hors-bord étant de 2 CV, il est conseillé pour les voiliers jusqu’à 8 mètres de long.
Ces moteurs ne sont pas performants en terme de vitesse, ils sont plutôt conçus dans l’optique d’apporter un maximum de poussée.
La propulsion des navigateurs écolos : le pod électrique
Le groupe motopropulseur du pod électrique génère de l’électricité qui est stockée dans la batterie puis convertie par le contrôleur. La puissance arrive au moteur dans le pod installé sous la coque du voilier, et enfin, elle fait tourner l’hélice, relevable ou non.
Bien choisir son voilier, l’anatomie du gréement
Le gréement d’un voilier est la partie vitale nécessaire pour que le voilier se déplace à la force du vent. Il est divisé en deux : le gréement dormant, représenté par le mât, la bôme, les câbles (haubans, étai, pataras et éventuellement bastaques) qui relient le tout et, le gréement courant constitué des bouts, écoutes et drisses, servant à hisser les voiles ou les affaler et dans différentes manœuvres.
Il existe deux types de gréements : « fractionnés » avec le point d’ancrage de l’étai situé à une hauteur différente de celui du pataras, on parle alors de gréement 5/6, 7/8 ou 9/10ème ; ou « en tête » avec les points d’ancrages de l’étai et du pataras à la tête du mât. Si les barres de flèches sont « poussantes » (cintrées), elles donnent au mât une plus grande stabilité et rendent la présence de bastaques inutiles, alors que si elles sont droites (latérales), la présence de bastaques est nécessaire, fournissant un réglage du mât plus fin.
Le réglage du gréement dormant est réalisé en fonction du type de voilier, de gréement, de barres de flèches ainsi que de la catégorie des voiles et de celle du bateau : croisière, régate ou course. Un gréement dormant bien réglé améliore les performances du bateau (vitesse et cap).
Le gréement sert également à nommer directement les bateaux, ainsi, le gréement sloop ou gréement bermudien est devenu un standard qui équipe aujourd’hui la majorité des voiliers modernes (mât unique, grand voile triangulaire et voile d’avant. Ce sont des bateaux simples d’utilisation qui se prêtent volontiers à la croisière hauturière. Un gréement similaire au sloop mais dont le mât est situé plus en arrière est appelé « gréement cotre » et est équipé d’un foc et d’une trinquette. Le gréement cotre est lui aussi adapté pour la croisière, même autour du monde.
Le gréement ketch, comme le yawl, est un voilier équipé d’un mât principal situé à l’avant et d’un second mât plus court et positionné à l’arrière : le mât d’artimon. Ce type de gréement est précieux pour le navigateur solitaire ou pour un nombre d’équipiers réduit car il permet de fractionner la surface de voiles, rendant les manœuvres plus simples. Ces gréements sont également appréciés par gros temps où, une fois la grand-voile affalée, le bateau est bien équilibré entre la voile d’avant et la voile d’artimon.
Note, le ketch a le mât d’artimon placé devant le poste de barre alors qu’il est positionné derrière ce dernier sur un yawl.
Deux gréements se destinent moins à la croisière que les autres voiliers : ce sont la goélette et le catboat (misainier). Le gréement goélette est équipé de deux mâts mais celui des deux qui est le plus en arrière est le grand mât alors que celui de l’avant est appelé mât de misaine. Généralement de grandes tailles, les goélettes sont destinées à de très longues navigations et peu sont barrées par des navigateurs de plaisance pour la croisière. A l’inverse, le catboat est un petit bateau (moins de 8 m), gréé d’un seul mât placé très en avant et monté dans l’emplanture, sans hauban ni étai.
Bien choisir son voilier c’est aussi comprendre un minimum de termes liés à la navigation et aux bateaux et c’est également se faire une idée précise des démarches administratives qui vont suivre l’acquisition du bateau.
Attention à ne surtout pas négliger la sécurité. En tenant compte de la sécurité des équipiers, de vous-même et du voilier vous prenez également soin des autres bateaux que vous allez croiser ou proche desquels vous allez amarrer.
Le bon achat se termine sur les démarches administratives obligatoires pour prendre la mer.